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OptiClimb, application d'intelligence artificielle pour réduire la consommation en montée

09 août 2019 Les Cahiers d'été
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"ENAC Alumni vous invite à découvrir ses cahiers d'été... le temps d'une petite pause, retrouvez les articles de nos précédents magazines"

 

Pouvez-vous nous présenter Safety Line et sa démarche « recherche » ?

Safety Line a été créée en 2011 en partant du constat que de nombreuses données enregistrées par les avions (données QAR, copies non protégées des boîtes noires qui sont récupérées de manière systématique pour la sécurité des vols par les compagnies aériennes) n’étaient pas exploitées et que les outils sur le marché ne permettaient pas d’aller plus loin. Dès le départ, nous nous sommes rapprochés d’instituts de recherche spécialisés en apprentissage statistique (Laboratoire Statistique Théorique et Appliquée de Paris 6) pour permettre de traiter ces grands volumes de données grâce à des algorithmes adaptés. L’idée de départ était de pouvoir détecter des « signaux faibles » dans ces données qui permettraient de mieux anticiper sur certains risques d’accidents (atterrissages durs, sorties de pistes, etc.). Ainsi, nous inaugurions une démarche innovante de « data mining » qui nous a permis de valider la pertinence de cette démarche.

Au fur et à mesure, nous avons noué des partenariats avec d’autres laboratoires de recherche en mathématiques appliquées pour étendre nos capacités de traitement à des données telles que les données RADAR par exemple et constituer ainsi un socle scientifique portant sur les techniques d’apprentissage et d’intelligence artificielle. L’équipe de recherche de Safety Line compte ainsi aujourd’hui 6 personnes à temps plein, dont 3 docteurs en statistique, et s’appuie également sur les chercheurs de plusieurs laboratoires (LSTA, INRIA, IFFSTAR, LIP6, ENAC) ce qui fait que l’équivalent de 15 chercheurs sont impliqués dans l’ensemble de nos projets. C’est une composante essentielle de notre entreprise et cela contribue beaucoup aux avancées que nous avons pu faire dans ce domaine de la « data » très important dans l’évolution de l’aéronautique.

 

Qu’est-ce qu’OptiClimb ?

OptiClimb est une première mondiale qui vise à réduire la consommation des avions dans leur phase de montée. L’idée s’est manifestée en constatant que les avions réalisent leur montée à vitesse constante, en général choisie par le FMS, et en utilisant des modèles de performances standards fournis par les constructeurs. Or, chaque avion va avoir des performances propres, qui se dégradent au fur et à mesure de son vieillissement et par ailleurs la vitesse de montée étant figée, le profil correspondant ne parait pas optimal.

À partir de ce constat nous avons échangé avec le laboratoire spécialisé dans la commande optimale COMMANDS, qui fait partie à la fois de l’INRIA et de l’école Polytechnique, pour étudier la possibilité d’une optimisation des profils de montée. Les résultats théoriques obtenus au bout d’environ six mois étant prometteurs, nous sommes ensuite passés aux tests opérationnels qui ont été possibles grâce à l’implication et à la confiance de Transavia France.

 

Quels sont les enjeux consommations fuel et performances de la montée ?

Étant donné que c’est à ce moment-là que les moteurs tournent à plein régime, la phase de montée est celle qui est le plus consommatrice de carburant, en particulier pour les vols courts et moyen-courrier. Par exemple, un avion mono couloir, B737 ou A320 va devoir utiliser entre 1000 et 1500 kg par montée, en fonction de la masse au décollage et du niveau à atteindre. Cela représente environ 20 minutes de vol mais aussi un tiers du carburant consommé sur tout le vol. Réduire la consommation durant cette phase a donc tout son sens. On peut déjà citer deux contraintes qui affectent la consommation : du fait de la limitation fixée arbitrairement à 250 kt au FL100, cela induit une phase d’accélération à basse altitude qui va être coûteuse en kérosène. Par ailleurs, la fin de la montée se fait au Mach de croisière, ce qui revient à faire accélérer l’avion au-delà de sa vitesse de croisière durant la montée. L’optimisation de la montée, permet de rationaliser ces contraintes.

 

Quel est le principe d’OptiClimb ? Comment chaque aéronef est-il caractérisé ?

OptiClimb est assez simple à mettre en œuvre pour une compagnie aérienne. Nous récupérons les données des 200 derniers vols pour chaque immatriculation sur un même type avion. Cela permet d’extraire des modèles aérodynamiques, de poussée et de consommation individuels. Ensuite ce sont ces modèles que nous allons utiliser pour optimiser chaque vol en fonction des paramètres du jour (masse, niveau, température, profil de vent, Cost Index). Pour finir, nous transmettons aux pilotes les consignes qui permettent de suivre le profil OptiClimb. Cela se matérialise par des valeurs de vitesse et d’altitude. Par exemple, une première vitesse de 250 kt jusqu’au FL121, puis une vitesse de 271 kt jusqu’au FL 290, suivie d’un Mach de 0.71 – là où un profil standard aurait été 250 kt jusqu’au FL100, suivi de 282 kt et un Mach de 0.76 qui correspond au Mach de croisière, la transition se faisant au FL300.

Il suffit alors pour le pilote de rentrer ces vitesses au sol dans le FMS et l’avion suit le profil sans intervention au travers du pilote automatique.

 

L’avion au décollage n’est pas totalement libre de sa trajectoire dans le plan vertical. Comment les instructions du control aérien et le profil optimisé par OptiClimb peuvent-ils cohabiter ? Les départs avec CCO (montée continue après le décollage jusqu’à l’altitude de croisière) sont-ils plus « OptiClimb » compatibles que les autres ?

Du point de vue du contrôle aérien, il y a en effet certaines contraintes. Nous faisons en sorte de choisir les vitesses afin que l’avion parvienne au même point en fin de montée et après la phase d’accélération avec ou sans OptiClimb. On respecte ainsi le plan de vol déposé. Dans certains cas, des limitations de niveau ou de vitesse peuvent affecter le profil de montée. On a cependant constaté que dans le cas de Transavia qui décolle une fois sur deux depuis Orly, le taux de vols où le profil OptiClimb est bien suivi est de l’ordre de 75%.

 

Quelles sont les gains de cette solution ? Est-elle déjà mise en œuvre ?

Transavia, notre client de lancement, a pu tester la solution sur une période prolongée (ce qui permet de voir les effets saisonniers par exemple) et nous avons pu mesurer une économie de l’ordre de 80 kg par montée. À l’échelle de la compagnie qui exploite une trentaine de B737-800, cela permet de réaliser une économie de 1,3 million d’euros et de réduire les émissions de près de 7000 t de CO2 chaque année.

 

Le profil déterminé par OptiClimb est-il mis à jour en temps réel ? Comment la variabilité des conditions météorologiques est-elle prise en compte ? Quid d’une modification du devis de masse ?

Chaque profil de montée va être différent et tient compte de l’immatriculation, de la masse, du niveau de croisière et également, ce qui est aussi entièrement nouveau, du gradient de vent et de température. Cela est rendu possible grâce à notre partenariat avec Panasonic Weather Solutions, qui est une solution unique de fourniture de données météorologiques mises à jour en continu grâce à des sondages réalisés par des avions de ligne en vol qui sont équipés de sondes TAMDAR. Nous pouvons envoyer un profil modifié jusqu’au dernier moment, par exemple s’il y a une modification de masse ou de plan de vol. Pour cela nous avons recours à la transmission par ACARS.

 

Transavia est client de lancement. Quid d’autres compagnies aériennes ?

OptiClimb a été testé et approuvé avec la participation précieuse de Transavia France. L’avantage d’OptiClimb est de pouvoir s’adapter à n’importe quel type d’avion et de fonctionner pour toutes les compagnies aériennes. Nous avons ainsi engagé une vingtaine de campagnes d’essais, sur différents types d’avion (A320, A330, B77, CRJ, EMB190) et sur la plupart des continents. Les résultats obtenus à ce jour montrent une économie qui équivaut environ à 1 kg par tonne au décollage par montée, quel que soit le type avion.

 

A propos de l'auteur

 

 

Pierre Jouniaux - Président et Fondateur de Safety Line

Ingénieur en aéronautique (IENAC T89) et directeur d’enquête au BEA durant 12 ans, Pierre a participé ou conduit de nombreuses enquêtes majeures (catastrophe du Concorde, Accident de l’A300-600 d’American Airlines à New York, Accident de l’A340 d’Air France à Toronto, etc.). Successivement pilote de ligne et gestionnaire de la sécurité pour Vietnam Airlines, il totalise aujourd’hui 25 ans d’expérience dans les domaines des opérations aériennes et de la sécurité.

 

 

 

Retrouvez l'ensemble du dossier "L'ENAC, une école au visage international" dans le Mag#21 d'ENAC Alumni




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