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Le management de la sécurité des vols dans une compagnie aérienne : un challenge permanent par Luc Berthier
Article issu du Mag#23 - Histoires de Pilote: L'avion comme passion les cieux comme bureau
Confronté à un douloureux traumatisme suite à l’accident du vol Rio Paris au printemps 2009, Air France a entrepris dans les mois et les années suivantes une profonde réforme de la gestion de la sécurité de ses vols. Pour autant, cela ne signifie ni que la manière de travailler auparavant était significativement défaillante, ni que les importantes avancées réalisées mettent désormais l’entreprise hors de danger... Pour prendre une image triviale, la sécurité des vols, c’est comme la peinture de ses volets. Le C’est un travail à reprendre régulièrement !
Lorsque le jour se lève à Paris le 1er juin 2009, c’est une simple incertitude qui plane sur le Centre de Contrôle des Opérations d’Air France: on a perdu depuis 2 heures le contact avec l’A330 effectuant la liaison Rio Paris. Puis au fur et à mesure de l’avancement de la journée, l’incertitude se fait angoisse avant que ne s’impose le constat implacable : l’avion dont on est toujours sans nouvelles a maintenant épuisé ses réserves de carburant.
L’incertitude sur le scénario de l’accident durera en fait deux longues années: le temps qu’il faudra pour localiser enfin l’épave de l’avion au beau milieu de l’Atlantique Sud et pour récupérer les fameuses « boites noires » qui permettront de comprendre l’enchaînement qui a conduit à la catastrophe.
Bien entendu, l’entreprise n’a attendu ni ces deux ans ni la publication du rapport final du BEA en juillet 2012 pour se réformer. Au contraire, le fait de ne pas connaître le scénario de l’accident conduit l’entreprise à avancer de manière très structurée sur tous les axes d’amélioration possibles. La méthodologie retenue, c’est de faire appel dans un premier temps à une mission composée de 8 experts internationaux reconnus du transport aérien. L’objectif: produire un état des lieux exhaustif sur les forces et les faiblesses de la sécurité des vols d’Air France , en comparant Air France à ce qui pourrait être la “compagnie idéale » en terme de gestion de la sécurité des vols, puis à partir de ce constat délivrer un ensemble de recommandations visant à atteindre cette cible.
Ce sont ainsi 35 recommandations qui sont proposées au top management d’Air France, abordant tous les aspects de la sécurité des vols d’une compagnie aérienne: de la gouvernance aux différents actes de formation - techniques ou facteurs humains - en passant par la culture juste et la gestion du retour d’expérience.
Si certaines recommandations peuvent être mises en place assez rapidement (comme par exemple la mise en place d’un Comité Sécurité des Vols au sein du Conseil d’Administration d’Air France) d’autres en revanche sont beaucoup plus lourdes et nécessitent une conduite en mode projet qui s’étend sur plusieurs années. Citons à titre d’illustration le passage à la documentation constructeur pour les manuels d’exploitation avion avec à la clé un changement de langue de travail, et les journées de formation associées . Il est à noter que ces différentes actions sont menées avec aussi pour cible l’implémentation du « SGS » (Système de Gestion de la Sécurité) qui devient réglementaire en France début 2012.
Pour ne faire qu’un focus sur les changements les plus importants et les plus structurants pour l’entreprise:
- La mise en place de contrats d’objectifs annuels pour les grandes directions opérationnelles de l’entreprise (opérations aériennes - pilotes et personnels navigants commerciaux- , opérations sol, maintenance, opérations cargo, centre de contrôle des opérations) a permis au Dirigeant Responsable d’insuffler une dynamique d’amélioration continue dans tous ces secteurs, avec pour chacun des objectifs mesurables et concrets.
- La mise en place d’un LOSA (Line Oriented Safety Audit ) non seulement aux Opérations Aériennes mais aussi dans les autres secteurs comme la maintenance ou les opérations sol, faisant ainsi d’Air France un pionnier dans ces domaines.
- Le passage à la documentation constructeur associé à un outil puissant de support de documentation (pilot pad) permettant une mise à jour et une consultation beaucoup plus efficace de la documentation, avec également une simplification de la documentation.
- La mise en place d’un programme de maintien des compétences pilote basé sur les forces et les faiblesses de l’entreprise (ATQP: Advanced Training Qualification Program) plutôt que sur la répétition annuelle d’exercices purement réglementaires. Programme réalisé bien entendu en étroite coopération avec la DSAC et faisant d’Air France la première compagnie française à mettre en œuvre de concept.
- L’adoption du concept de TEM ( Threat and Error Management) dans la formation des équipages et la réalisation des différents briefings équipage.
- L’adoption d’un modèle de sécurité moderne et performant adossé au TEM, basé sur le « bow tie »: modèle descriptif des barrières de prévention et de récupération associées aux différentes erreurs ou menaces possibles.
- La mise en place d’une culture positive de sécurité qui permet de faire, suite à chaque événement impactant la sécurité des vols, la part des choses entre les facteurs individuels et les facteurs systémiques, et de conduire ainsi les actions appropriées (actions individuelles si cause racine liée à l’individu , actions systémiques pour des causes racines identifiées comme systémiques ).
- L’évolution du protocole d’Analyse des vols instituant notamment le corps des « Gate Keepers », pilotes indépendants du management ayant la possibilité, suite à un événement détecté à l’analyse des vols, de collecter auprès de leurs collègues, tout en préservant leur anonymat, les informations permettant de comprendre les raisons de l’événement.
Un peu plus de neuf ans après la tragédie du vol Rio Paris, quels sont les effets de ces différentes actions?
En terme de retour d’expérience, le niveau de retour sur le plan quantitatif est remarquablement élevé à ce jour: de l’ordre de 12% (12 retours d’expérience pour 100 vols réalisés). Les différents LOSA permettent d’avoir une vision sans filtre des forces et des faiblesses des pratiques terrain et d’adapter ainsi les actions correctives. Le top management est remarquablement impliqué dans le suivi des actions correctives. Un CSAG (Corporate Safety Action Group) réunit sur un rythme trimestriel autour du Dirigeant Responsable tous les responsables désignés avec les principaux acteurs du réseau sécurité des vols.
Des « Ateliers sécurité des vols » permettent de toucher tous les secteurs de l’entreprise et de sensibiliser les personnels grâce à un scénario pédagogique à l’importance de la sécurité des vols et au comportement responsable de chacun.
Pour autant, il est impensable de se satisfaire du statu quo. Car deux écueils seront toujours d’actualité pour la sécurité des vols de toute compagnie aérienne:
Le premier serait de penser que « ça y est, on a fait tout ce qu’on devait faire, et qu’on est à l’abri ». En effet une telle attitude engendrerait un sentiment d’invulnérabilité et donc par voie de conséquence une moindre vigilance de la part des différents acteurs. Et donc une exposition au risque très significativement accrue.
Le deuxième serait de croire que la sécurité des vols n’est qu’une affaire de spécialistes du réseau sécurité des vols, qui ne concerne donc qu’une petite partie des personnels de l’entreprise. Or chaque personne a son rôle propre à jouer en matière de sécurité des vols, et ne peut s’y soustraire. Car, pour laisser à Antoine de Saint-Exupery le soin de conclure, « chaque sentinelle est responsable de tout l’empire ».
Présentation de Luc Berthier EPL85, Commandant de Bord B777 chez Air France
Diplômé de Sup’aéro en 1983, Luc intègre la compagnie Europe Aero Services comme responsable du service Opérations (mélange du Bureau d’Etudes et de la Préparation des vols actuels). Mais il n’a pas vocation à effectuer une carrière d’ingénieur puisqu’à cette époque il est déjà titulaire du PL Théorique.
En 1987, il intègre la formation EPL ENAC en tant que A’28. L’année suivante, il rejoint Air France comme OPL B737. La suite de sa carrière le voit passer OPL B747 ; puis Commandant de Bord B737, A320, A340 et B777. En parallèle, il devient instructeur en 2003, examinateur en 2006.
Après l’accident du Rio-Paris, il est nommé Directeur de la Sécurité des vols pour les Opérations Aériennes, puis l’année suivante Directeur de la Sécurité des Vols pour l’ensemble de la Compagnie, fonction exercée jusqu’à la fin 2017.
1 Commentaire
1) la fatigue des pilotes : vol de nuit
2) des conditions météorologiques défavorables : cellule orageuse importante dans la région traversée
3) mauvaise décision du pilote: il débranche le F.M.C. (que j'ai moi- même contribué à mettre au point aux essais en vol à Toulouse) et tente de passer au dessus de l 'orage
4) le dépassement de l' altitude maxi de vol entraine un décrochage
5) le pilote ne comprend pas qu'il est en chute libre
6) si le F.M.C. était resté branché celui ci n'aurait pas permis à l' avion de sortir de l'enveloppe de vol
7) une formation sur simulateur de vol insuffisante pour apprendre à éviter convenablement les cellules orageuses (il faut un rayon de protection pour éviter les foudroiement ) qui devraient augmenter avec le temps à cause du changement climatique si nous ne développons pas rapidement les avions de ligne électriques.
8) un probable défaut de logique dans les informations de vitesse délivrées lors du givrage des tubes Pitot:
La référence en matière de vitesse doit être donnée par la centrale à inertie qui calcul la véritable vitesse de l' avion en vol.Seules les informations qui corroborent l' équivalence de la vitesse donnée par le tube Pitot et par la centrale à inertie doit être communiquée au pilote.(Voir manuel de vol AIRBUS)
9) il faut toujours superposer l'image RADAR au plan de vol sur les écrans EFIS de façon à anticiper les trajectoires d' évitement d'obstacles.
Voila qui devrait vous rassurer pour les prochains vols et satisfaire Saint Exupéry...
Cordialement,
Puyuelo Jacques IENAC79
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