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L'aéroport du futur : améliorer la sécurité aéronautique sous un trafic croissant et plus varié (thème n°5)

02 juin 2020 Aéroport du Futur
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Le think tank Aéroport d'ENAC Alumni a publié l'analyse globale de L'aéroport du futur en avril dernier. Chaque semaine, découvrez un nouveau focus sur un des 11 thèmes traités.

D’une manière générale, le nombre de décès par passager-kilomètre payant (RPK) a diminué de manière quasi continuelle depuis les années 1970. Cependant, son évolution au cours du temps a une allure logarithmique – ce qui signifie qu'il devient de plus en plus difficile avec notre conception actuelle de la sécurité de réduire le nombre de victimes alors que la sécurité s’améliore dans son ensemble. Au cours de la seconde moitié du 20ème siècle, les normes de conception des aérodromes étaient principalement conservatrices et normatives. Les progrès de la connaissance globale du contrôle du vol et de l'ingénierie aéroportuaire, renforcés par la nécessité d'héberger des avions plus gros dans les infrastructures existantes, ont montré que ces normes surestiment souvent les risques et certaines fois les sous-estiment. Ces efforts ont encouragé une compréhension mutuelle des acteurs de la conception et de la certification des aérodromes – exploitants aéroportuaires, avionneurs et autorités de l'aviation civile. Plus important encore, cela a créé une dynamique en matière de sécurité et de réglementation qui a permis l'émergence et la montée en puissance de l'approche basée sur les risques.

La plupart des améliorations d'infrastructure possibles pour assurer la sécurité aérienne dans les aéroports ont été déjà développées. Les standards portant sur le « hardware » ont atteint une maturité exceptionnelle. Des mesures d'atténuation ont été élaborées pour remédier aux écarts les plus marquants par rapport à ces normes. Le Système de Gestion de la Sécurité (SGS) est une vision systémique et systématique de la sécurité qui a été adoptée par l'OACI en 2004. Alors que certains pays sont encore en train de l'appliquer dans leurs aéroports, il s'agit désormais d'une norme internationale bien acceptée qui a considérablement contribué à l'avancement de la sécurité opérationnelle – y compris sur les aires de de trafic et incluant les aires de stationnement et les services d’assistance au sol. Le SGS a contribué à rassembler les parties prenantes des opérations aéroportuaires dans les différents aéroports afin de construire une ambition commune en matière de sécurité des vols.

La prochaine frontière pour améliorer les normes de sécurité est celle des systèmes et des données en temps réel. Le partage de données et l'analyse en temps réel de ces données augmenteront à la fois les performances opérationnelles et la sécurité. Par exemple, le manque de données de sécurité disponibles empêche les études d’impact sur la sécurité aéronautique d'être aussi quantitatives et complètes qu'elles devraient l'être, et les Autorités Nationales de l'Aviation d’obtenir une vision détaillée des problèmes de sécurité – une condition pour concevoir un Programme de Sécurité d'État (PSE) efficace. Un signalement plus systématique des accidents et des incidents, et la centralisation de ces données, commencent à aider les aéroports et les agences à parvenir à cette vision et à utiliser les données pour améliorer la sécurité en complément des enseignements tirés directement du terrain.

La prochaine étape pourrait ne plus être basée sur des équipements au sol. L'avenir de la sécurité de l’aire de trafic réside également dans les équipements bord tels que les Systèmes de Prévention des Incursions sur Piste (RIPS), l'échange de données avion-sol et l'utilisation des « big data ». De nombreux cockpits se déplacent déjà sur les aérodromes à l'aide de cartes d'aérodrome numériques dynamiques. Avec les mises à jour en vol, ces cartes pourraient inclure les dernières informations aéronautiques publiées par les aéroports, fournir des informations de guidage accrues pendant le roulage, et sensibiliser et générer des alertes sur les problèmes de sécurité sur l’aire de trafic tels que les incursions sur piste et les restrictions d'envergure.

Il est essentiel de reconnaître que le niveau de sécurité n'est pas le même partout dans le monde. Les aéroports et les autorités de sécurité aérienne doivent s'efforcer à combler l'écart sur les normes de l'OACI. Ils devraient également s'inspirer des pratiques recommandées pour promouvoir la sécurité. De plus, ils doivent prendre conscience de leurs spécificités et leurs retards, et travailler pour y remédier autant que faire ce peu. Le Plan Mondial de Sécurité Aérienne (GASP) de l'OACI appelle à un tel effort dans le monde entier. Le plan précédent n'a pas atteint tous ses objectifs. Le plan en cours vise à amener chaque pays à définir et à mettre en œuvre un PSE. Il est prévu que la prochaine période courant jusqu'à l'horizon 2028 se concentre sur la mise en œuvre de systèmes avancés de supervision de la sécurité, y compris la gestion prédictive des risques – une étape que les pays les plus avancés ont déjà franchi.

À ce jour, le Programme Universel d’Audits de Supervision de la Sécurité (USOAP) révèle que la mise en œuvre effective mondiale moyenne des Standards et Pratiques Recommandées (SARP) de l’OACI en ce qui concerne les aérodromes est de 62,29%. Compte tenu des éléments en jeu, il s'agit d'une mauvaise performance – et c'est l'un des taux d'implémentation les plus bas de tous les domaines USOAP. Les aéroports et les autres parties prenantes des opérations aériennes ont besoin d'autorités nationales de l'aviation fortes pour soutenir l’industrie nationale et assurer la sécurité de l'écosystème global du transport aérien. Dans les régions moins avancées, une révolution de la sécurité est urgemment nécessaire pour protéger les passagers et les biens.

Au-delà des besoins en infrastructures et équipements (« hardware »), une forte culture de sécurité aéroportuaire doit émerger au sein du personnel aéroportuaire et des parties prenantes (« software »). Les aspects humains et organisationnels de la sécurité doivent être pris en considération. Cette culture doit être soutenue par la hiérarchie, adoptée par le terrain, permettre un reporting bottom-up, être transversal à l'ensemble de l'organisation aéroportuaire, et inclure également les parties prenantes. Cela signifie fournir des moyens et formations adéquats aux personnels opérationnels, et finalement mettre en œuvre des Systèmes de Gestion de la Sécurité (SGS). Cela signifie également favoriser une culture de la sécurité basée sur la transparence, des rapports non punitifs, les retours d’expérience et la gestion des risques.

 




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